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Microplastiques : 6 enseignements des publications du CAC 40
Un an après notre premier décryptage, où en est la prise de conscience dans les grandes entreprises ?
Il y a presque un an, nous dressions un premier état des lieux de la manière dont les entreprises abordent la question des microplastiques. La prise de conscience était encore assez faible.
Depuis, la CSRD et les analyses de double matérialité sont passées par là.
Ont-elles permis d’accélérer cette prise de conscience ?
D’identifier des IRO spécifiques?
De définir des politiques et des plans d’action ?
Quelles approches sectorielles se dessinent en matière de microplastiques ?
Voici les 6 grands enseignements à retenir sur les premières publications du CAC 40.
Bonne lecture !
Anastasia et Pauline, pour ici&demain
Temps de lecture : 7 minutes.
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Quelques chiffres pour commencer
Avant d’entrer dans le détail des publications, voici un panorama chiffré :
15 entreprises du CAC 40 font mention des microplastiques
Parmi elles, 11 ont un ou plusieurs IRO associés : c’est environ un quart du CAC 40. À noter : plusieurs entreprises du CAC40 comme les banques, les assurances ou les entreprises de service -Publicis, Edenred- n’ont pas un modèle d’affaires qui prédispose le sujet des microplastiques comme matériel.
5 disposent d’une politique qui contribue à répondre à ces IRO
20 déploient des actions dédiées à la réduction ou au remplacement du plastique, ainsi qu’à des investigations dédiées à une meilleure compréhension de leurs impacts.
💡Enseignement 1 : la prise de conscience se concrétise et fait le lien entre microplastiques et santé humaine
Sans surprise, ce sont principalement des impacts négatifs qui ressortent, principalement sur l’environnement, avec une décomposition des matières plastiques au niveau des sols, de l’eau et de l’air.
4 entreprises - Danone, Kering, Essilor Luxotica et Stellantis - soulignent également qu’il s’agit d’un enjeu sanitaire. Le lien établi entre microplastiques et santé reste encore marginal. Pourtant, de plus en plus de découvertes viennent apporter des preuves et enrichir les connaissances sur ce sujet. À ce titre, la mission « Tara Microplastiques », consacrée à la pollution aux microplastiques dans les fleuves, a démontré que cette pollution favorise l’apparition de « plastisphères ». Ces habitats accueillant des micro-organismes abritent des pathogènes comme la bactérie Shewanella putrefaciens — responsable d’otites, de péritonites, de bactériémies ou d’infections des tissus mous.
➡️Les risques financiers pour les entreprises portent principalement sur l’évolution des réglementations, avec des exigences croissantes qui visent à limiter les impacts de la pollution de l’eau, du sol et de l’air liés aux microplastiques. Par ailleurs, face aux pressions de la société civile, la menace réputationnelle est non négligeable.
💡Enseignement 2 : microplastique ou pas microplastique ? Dans l’automobile, telle est la question
Les nouvelles normes Euro 7 imposant des limites sur l’abrasion des pneus à partir de 2028, le secteur automobile s’est emparé de la problématique microplastiques. Nous avons été un peu décontenancés par leur traitement du sujet.
➡️Stellantis et Renault Group identifient le rejet de microplastiques sur l’aval de la chaîne de valeur. Chez Renault par exemple, si on ne mesure pas encore les ambitions, on mesure déjà les émissions. Le Groupe quantifie déjà la quantité de microplastiques rejetés lors de ses essais véhicules et prévoit d’intégrer les futurs seuils réglementaires dans la sélection de ses fournisseurs. De premiers pas en avant, même si le Groupe semble attendre l’entrée en vigueur de la norme européenne sur les taux d’abrasion pour passer à l’étape suivante : la formalisation de politiques et d’objectifs concrets.
➡️L’analyse est différente chez Michelin. Le Groupe préfère parler de TRWP (Tire and Road Wear Particles), des particules d’usure qui viennent à la fois du pneu et de la route. Elles sont composées d’environ 50 % d’élastomères issus du pneumatique et 50 % des minéraux et de poussières provenant des routes. Pour le leader des pneus, ces TRWP ne sont pas des microplastiques au sens de la réglementation européenne. Une raison à cela : leurs caractéristiques diffèrent de celles des microplastiques usuels provenant du plastique commun (bouteilles, emballages, textile, etc.), notamment en termes de taille, de composition et de densité. Leur dégradabilité serait aussi plus rapide. Michelin ne nie pas les microplastiques et poursuit notamment ses recherches avec le CNRS pour étudier leur dégradation. Enfin, le Groupe revendique la meilleure performance du marché sur l’abrasion des pneus, c'est-à -dire leur usure. Moins un pneu s’use, moins il émet de particules, donc moins il pollue.
💡Enseignement 3: still chic le plastic ? La lente transition du secteur textile
➡️Après le secteur de l’emballage et du bâtiment, la filière textile est la principale utilisatrice de plastique. Dans un rapport de mission consacré à la pollution par les microplastiques d’origine textile, l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) reporte que les fibres textiles sont aujourd’hui composées à plus de 60 % de matières plastiques issues de la pétrochimie. Et la fast fashion n’est pas la seule concernée. Dès lors que l’on utilise des matières techniques dérivées du plastique, les vêtements libèrent des microplastiques tout au long de leur vie.
➡️Parmi les trois groupes cotés du luxe, c’est Kering qui s’empare du sujet : réduction des fibres synthétiques dans les collections ; choix de matériaux longue fibre, recyclés ou renouvelables, qui réduirait la libération de microfibres et microplastiques ; projets pilotes de filtration des eaux de production textile, y compris sur les fibres naturelles ; travaux de recherche appliquée avec The Microfibre Consortium et Scripps Institution of Oceanography pour comprendre la libération des microfibres selon les structures textiles. C’est ce qu’on appelle avoir la fibre RSE.
➡️Et ces standards remontent jusqu’à la chaîne de valeur amont, puisque Kering exige aussi des fournisseurs qu’ils mettent en œuvre des mesures de réduction de la formation des microfibres. Les emballages et les accessoires ne sont pas inclus dans cette démarche. La phase d’usage des vêtements, non plus (et vu le prix du pull, on préférerait éviter qu’il en parte au lavage). Cette démarche reste néanmoins pionnière, et devrait inspirer le reste de la filière.
➡️Le déploiement prochain d’Ecobalyse, qui consiste à afficher l’impact environnemental des vêtements sur les étiquettes va-t-il accélérer les efforts de la filière sur le microplastique ? Pour l’instant, la méthode propose une première estimation des impacts liés aux microfibres, sans encore faire la distinction entre celles d’origine naturelle (comme la laine ou la soie) et les microfibres synthétiques, issues de matières plastiques.
💡Enseignement 4 : des politiques environnementales qui misent sur les 3 R : recycler, réduire et remplacer
➡️Pour la plupart des entreprises, ce sont soit les politiques sur l’économie circulaire (ESRS E5), soit celles sur la pollution (ESRS E2), qui traitent des sujets sur les microplastiques. La plupart du temps, ces politiques intègrent des objectifs que l’on pourrait regrouper sous ces 3 R :
Recycler : le plastique recyclé reste encore une solution d’économie circulaire fortement plébiscitée. S’il participe à réduire le microplastique, parce qu’il réduit la production de plastique vierge et évite les dépôts sauvages, il ne supprime pas les microplastiques. Le recyclage, le transport et l’usage des produits en plastique recyclés continuent à produire des microplastiques. En clair : le recyclage limite la production de plastique, pas son usure.
Réduire : cela reste l’un des objectifs majoritaires présentés par les entreprises : réduire puis supprimer les plastiques à usage unique. Un impératif réglementaire pour certains usages, puisque la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire prévoit la fin progressive de tous les emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040.
Remplacer : la part de plastique vierge est par exemple remplacée par des matières biosourcées, dont certaines sont dites compostables. Le hic ? Le plastique biosourcé peut aussi générer des microplastiques. D’autres entreprises, dont notamment Carrefour, tentent de revoir leur modèle d’affaires avec des systèmes de consigne, de vrac. Ces solutions idéales pour les microplastiques, restent néanmoins coûteuses et avec un passage à l’échelle incertain selon le secteur. Les investissements suivront-ils ?
➡️Pendant que les entreprises tâtonnent, la réglementation avance. Avec le règlement sur les fuites de granulés plastiques adopté en avril dernier par l’UE, les entreprises qui produisent, transportent ou transforment ces granulés devront établir des plans d’évaluation des risques. L’objectif : contenir les fuites éventuelles et engager rapidement des opérations de nettoyage le cas échéant. De quoi permettre aux entreprises d’aller plus loin dans la définition de politiques, une fois l’évaluation des risques faite.
💡Enseignement 5 : zoom sur 2 types d’actions
Parmi les plans d’action décrits dans les rapports, deux ont attiré notre attention :
L’Oréal, une stratégie microplastique sur les formules des produits - et non sur les emballages : particulièrement visé par la société civile et l’évolution du règlement REACH sur la restriction des microplastiques ajoutés intentionnellement, L’Oréal a pris les devants. Le Groupe a éliminé les microbilles dès 2017 et reformulé l’ensemble de ses produits rinçables reformulés en 2020. Un vrai glow-up réglementaire, 7 ans avant l’entrée en vigueur de l’interdiction. Les efforts se poursuivent aujourd’hui sur les produits non rinçables (maquillage, soins) soumis à la réglementation à partir de 2029-2035. Avec son outil maison d’éco-conception et des critères de biodégradabilité, le Groupe revendique aujourd’hui moins de 0,03 % de microplastiques dans ses ingrédients totaux.
EssilorLuxotica, une gestion responsable des émissions de microplastiques générées pendant la fabrication des verres et montures : le Groupe déclare s’assurer que des particules de plastique ne sont pas libérées dans l’environnement lors de ses processus de fabrication - notamment lors du détourage des verres et du travail des montures en acétate. À ce jour, les microplastiques sont soit éliminés, soit valorisés thermiquement (avec une utilisation de cendres dans les processus en aval pour éviter tout résidu de déchets), soit recyclés pour une application spécifique, réglementée par la politique interne de recyclage des déchets. Ici non plus, les emballages ne sont pas couverts par la démarche. Mais on y voit quand même plus clair sur les microplastiques ;)
💡Enseignement 6 : transformer la contrainte en opportunité
Après avoir entendu de nombreux récits d’entrepreneurs inspirants, peut-être que la notion d’innovation dans la contrainte vous semble un peu galvaudée… Et pourtant, dans un monde aux ressources finies, composer avec la contrainte est une nécessité, pas uniquement un slogan marketing.
➡️Pour certaines entreprises du panel, la chasse aux microplastiques peut ainsi être l’opportunité d’enrichir leurs modèles d’affaires. D’identifier des solutions qui serviront à leur secteur, mais également à tous les autres. C’est le cas notamment d’Eurofins Scientific, qui propose de réaliser des analyses de microplastiques : tests de biodégradabilité, de comptabilité, d’écotoxicité… Ces diagnostics permettent aux entreprises d’évaluer l’impact de l’utilisation des matières plastiques et des contenus recyclés, et de facto, les aident à maîtriser leurs risques. Car la première étape avant tout plan d’action microplastiques est de mesurer son impact.
➡️De son côté, Veolia aborde les microplastiques comme un enjeu de santé publique, d’impact environnemental et d’opportunité économique pour ses activités de dépollution. Le Groupe agit dans la gestion des eaux usées industrielles et dans le traitement des eaux usées, avec un projet pilote MEDITPLAST qui démontre une efficacité de plus de 99 % dans l’élimination des microplastiques. Veolia a aussi défini comme domaine prioritaire de sa Recherche & Innovation les technologies qui œuvrent à trouver des solutions pour traiter les polluants comme les microplastiques.
➡️Enfin, d’autres entreprises affichant une certaine dépendance aux plastiques parviennent elles aussi à identifier des opportunités d’innovation. Nous allons enfin parler d’emballages ! Sanofi annonce vouloir supprimer le plastique des blisters de ses vaccins. Un projet émergent et sensible en matière de sécurité sanitaire. Espérons qu’il soit symbolique de la levée d’un tabou sectoriel et d’un changement culturel sur l’usage du plastique à usage unique dans la santé.
➡️Un point de vigilance toutefois : la notion d’impact positif. L’Oréal revendique un impact positif au sujet des microplastiques. En réduisant l’utilisation de microplastiques, le Groupe pourrait en effet influencer les pratiques de production à plus grande échelle dans le secteur, encourageant l’adoption de procédés plus durables et en investissant dans la recherche et l’innovation.Mais attention : réduire un impact négatif, ce n’est pas créer un impact positif. C’est une amélioration, certes importante, mais qui reste dans une logique de limitation des dommages, pas de génération de bénéfices nets pour l’environnement.
👉Conclusion
Le sujet des microplastiques reste difficile à appréhender pour les entreprises. Une réelle prise de conscience semble être en marche, soit un premier pas vers l’action et la transition des modèles d’affaires.
Si plusieurs entreprises ont déjà identifié plusieurs IRO, la mise en place de politiques et de plans d’action prendra du temps. Car nous sommes tous addicts au plastique, pour ses propriétés multiples : hygiène, étanchéité, faible, coût, légèreté, robustesse, etc. Les alternatives pour un passage à l’échelle demandent de réels investissements et transformations. Et également, de créer le désir pour une absence de plastique. Catherine Malabou, philosophe, a d’ailleurs développé sa pensée autour de la manière dont les sociétés se reconfigurent. « Il faut que l’inconscient puisse se projeter avec d’autres matériaux», nous dit cette philosophe de la plasticité.
Saluons tout de même le fait que des entreprises, comme EssilorLuxotica, affichent de belles ambitions pour faire évoluer leur modèle, en travaillant sur de nouvelles formules par exemple. Autre action digne d’être saluée : des entreprises comme Eurofins Scientific partagent leurs expertises en matière de recherche, pour aider à la transition matière des industriels. Ainsi du grand emballement, on pourrait enfin passer au grand remplacement du plastique.
👉En bref
Pour ce premier exercice CSRD, 15 entreprises du CAC 40 ont identifié des IRO en lien avec les microplastiques.
Dans le secteur automobile, la définition de microplastiques reste encore floue entre les définitions de la réglementation européenne et les analyses faites par Michelin. La matérialité du sujet n’est pour autant pas réfutée.
Dans le secteur du textile, la prise de conscience reste encore timide : seul Kering semble avoir pris en compte le sujet, en menant déjà des travaux sur la chaîne de valeur de ses matières textiles et ainsi limiter les rejets.
S’agissant des politiques, qu’elles soient sous les sujets de pollution / économie circulaire, elles visent principalement à recycler, réduire, et plus marginalement remplacer le plastique par d’autres matières
Parmi les plans d’actions ayant attiré notre attention, EssilorLuxotica est déjà mobilisé pour maîtriser ses risques sur ses opérations propres
Les microplastiques sont également une source d’innovation, pour les entreprises qui propose de les maîtriser ou de les dépolluer, comme pour celles qui investissent dans la recherche d’alternatives et se démarquent ainsi de la concurrence.
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Passionnant : bravo pour cette analyse!