Omnibus, ce qui change | #21
“Un omnibus s’arrête souvent et avance peu. Le mot a été bien choisi.”
C’est ainsi que Dominique Seux clôturait son édito éco la semaine dernière sur France Inter, alors qu’il interrogeait la possibilité d’une industrie européenne verte et compétitive, dans un océan de normes encore trop contraignantes.
Alors, la directive porte-t-elle bien son nom ? Faut-il accuser l’omnibus de mettre à mal l’ambition européenne d’être la locomotive d’une transition juste et durable ? Que faut-il en retenir ? Quelles conséquences pour les entreprises ? Quel calendrier d’application ? Retrouvez notre décryptage.
Bonne lecture ! Elle sera longue, nous avons pensé à vous et l’avons parsemée de quelques touches d’humour.
Vous n’avez pas le temps mais vous aimeriez avoir un condensé de cette newsletter ?
Scrollez jusqu’en bas pour un résumé des points à retenir
Vous avez 2 à 8 ans d’expérience en conseil en stratégie RSE? Vous avez à cœur la durabilité, l’excellence et la satisfaction des clients ? Ici&Demain recrute : rejoignez-nous !
Que contient omnibus ?
“En raison de difficultés d’exploitation, nous sommes retenus en station pour une durée indéterminée.”
Omnibus propose 5 textes:
Une directive “ stop the clock ” pour la CSRD qui reporte de 2 ans son application pour les entreprises européennes des vagues 2 et 3, qui devaient publier après le 1er janvier 2026
Une directive modifiant la CSRD et la CSDDD
Un acte délégué modifiant la taxonomie
Une modification du règlement sur le MACF, mécanisme d'ajustement des émissions de carbone aux frontières
Une modification du règlement InvestEU, programme d’accès au financement.
À ce package viendraient s’ajouter : un acte délégué révisant les ESRS, ainsi qu’une réduction du nombre de points de données sur lesquels reporter. S’agissant de l’audit, des lignes directrices devraient également être publiées avant 2026.
Pour ce décryptage, nous vous proposons de détailler davantage le triptyque CSRD, Taxonomie et CSDDD.
CSRD : hausse des seuils et simplification
“Moins de 1000 salariés : attention à la marche en descendant du train.”
Votre entreprise resterait-elle concernée ?
Avec la hausse des seuils prévue, la directive ne concernerait plus que 10 000 entreprises, contre 50 000 avec les seuils actuels. 80 % des entreprises sortiraient du champ de la CSRD.
Les nouveaux seuils et les calendriers d’application sont les suivants
Entreprises d’intérêt public (EIP) de la vague 1
Vous resteriez soumis à la CSRD dès 2025 sur l’exercice 2024, si vous êtes une EIP au-dessus de deux de ces trois seuils : salariés ≥ 500 ; chiffre d’affaires ≥ 50M€ ; bilan ≥ 25M€.
Cas très particulier : si vous avez moins de 1 000 salariés, vous pourriez être soumis à la CSRD uniquement pour 2025 voire 2026, le temps que la Directive modifiant la CSRD soit votée.
Autres entreprises de plus de 1 000 salariés
Vos seuils seraient les suivants : Salariés ≥ 1 000 (contre 250 auparavant) ET chiffre d’affaires ≥ 50M€ ou bilan ≥ 25M€
Vous publierez votre premier rapport de durabilité en 2028 sur l’exercice 2027
Autres entreprises
Vous ne seriez plus soumises à la CSRD.
Vous pourrez publier un rapport volontaire et non audité à partir de normes simplifiées basées sur les normes VSME.
Cas particulier : vous êtes concernés si vous faites partie aujourd’hui des entreprises dites de la « vague 3 », qui devaient publier en 2027 sur l’exercice 2026 et que vous comptez moins de 1000 salariés.
Entreprises ou groupes d’entreprises non européennes
Vos seuils seraient relevés : chiffre d’affaires en Europe ≥ 450M€ ET une filiale dans le périmètre de la CSRD ou une succursale UE avec un chiffre d’affaires > 50M€
Le calendrier resterait inchangé
Qu’est-ce qui change ?
“Nous ne marquerons pas l’arrêt sur tous les points de données”
Des normes de reporting simplifiées.
Trois familles de normes subsisteraient :
Norme pour les entreprises UE : simplifiées
Norme pour les entreprises non UE
Norme volontaire allégée : basées sur la norme actuelle volontaire pour les TPE (VSME)
La double matérialité conservée
Pierre angulaire de la CSRD, cet exercice qui permet d’identifier ses impacts, risques et opportunités est maintenu.
Des exigences réduites sur la chaîne de valeur
La directive omnibus propose que les exigences en matière de reporting imposées aux grandes entreprises ne pèsent pas sur leurs chaînes de valeur. Les informations qui pourront être demandées à des entreprises de moins de 1 000 employés pourraient être limitées aux données exigées par la norme volontaire.
Une vérification moins stricte des données
Celles-ci seraient désormais vérifiées avec une assurance limitée, sans passage à une assurance raisonnable. La Commission s’engage en outre à publier des lignes directrices d’audit d’ici à 2026.
Qu’est-ce qu’on attend ?
“En raison de travaux sur les voies, nous sommes immobilisés.”
Directive stop the clock : elle pourrait être adoptée par procédure accélérée d’ici fin 2025
Directives modifiant CSRD, Taxonomie, CS3D : le calendrier d’adoption pourrait aboutir en 2026 par l’adoption de la directive européenne et sa transposition par les Etats membres
Normes ESRS : Un acte délégué révisant les ESRS serait dans les 6 mois suivant l’adoption de la directive qui amendera la CSRD. Une réduction importante du nombre de points de données est attendue : priorisation, moins de qualitatif, meilleure distinction obligatoire et volontaire.
Taxonomie : hausse des seuils et simplification
“Moins de 450M€ ? Merci de ne pas oublier vos effets personnels.”
Un périmètre réduit
Initialement, toute entreprise soumise à la CSRD était également soumise à la Taxonomie. Avec la directive omnibus, elle s'appliquerait désormais aux entreprises de plus de 1 000 salariés et 450M€ de chiffre d'affaires, et resterait optionnelle pour les autres entreprises.
Une simplification du reporting
L’omnibus prévoit une réduction du nombre de points de données sur lesquels reporter. Pour les activités qui ne dépassent pas 10 % du chiffre d’affaires total de l’entreprise, celles-ci seront exemptées de l’évaluation de l’éligibilité et l’alignement à la Taxonomie.
Un reporting partiel possible
Pour les entreprises qui ne répondent pas pleinement aux attendus de de la Taxonomie elles pourront publier leur alignement partiel et partager leurs efforts.
Une simplification des critères “Do not significant harm” ou DNSH
Notamment pour les critères de prévention de la pollution, considérés comme les plus complexes.
Un allègement des exigences de reporting ESG pour les institutions financières
Les banques pourront exclure du dénominateur du GAR (Green Asset Ratio, le principal indicateur clé de performance des banques basé sur la taxonomie), les expositions (soit les actifs et les prêts accordés par les banques aux entreprises) relatives aux entreprises non soumises à la CSRD, alors qu’elles devaient toutes les inclure dans la réglementation précédente.
CSDDD : obligations et responsabilités allégées
“Suite à un problème de rétroviseur, nous allons poursuivre avec des angles morts.”
Un report d’un an
L’application par seuils est décalée d’un an. Le nouveau calendrier est le suivant :
Première vague – Juillet 2028
Entreprises de l’UE ≥ 5 000 salariés et ≥ 1,5Mds de CA mondial
Entreprises hors UE ≥ 1,5Mds de CA en UE
Deuxième vague – Juillet 2029
Entreprises de l’UE ≥ 3 000 salariés et ≥ 900M de CA mondial
Entreprises hors UE ≥ 900M de CA en UE
Troisième vague
Entreprises de l’UE ≥ 1 000 salariés et ≥ 450M de CA mondial
Entreprises hors UE ≥ 450M de CA en UE
Un allègement des obligations sur la chaîne d’approvisionnement
Avec l’omnibus, les entreprises ne seraient tenues de reporter que sur les fournisseurs de rang 1 et d’élargir le périmètre dans le cas où elles disposent d’informations plausibles sur de potentiels impacts négatifs. La fréquence d’évaluation de la chaîne de valeur passe de 1 à 5 ans.
La fin de la résiliation des contrats en cas d’incident
L’entreprise sera plutôt invitée à suspendre la relation commerciale avec son fournisseur, le temps de trouver une solution.
Les plans de transition climat soumis à une obligation de moyens
Les entreprises seront simplement tenues de préciser les mesures de mise en œuvre prévues et prises mais ne seront plus soumises à une obligation de résultat.
Une responsabilité et des sanctions allégées
La responsabilité civile à l’échelle de l’UE est supprimée. Les États membres seront pour autant tenus de garantir aux victimes un recours effectif à la justice. Et pour la sanction allant jusqu’à 5 % du CA mondial de l’entreprise, celle-ci est désormais supprimée mais des lignes directrices en matière d’amendes devraient être fournies par la Commission.
Et maintenant, que fait-on ?
“Que votre billet soit réglementaire ou non, nous aurons pour terminus les limites planétaires”
Rappelons que rien n’est encore joué pour la CSRD, la Taxonomie, la CS3D. Les propositions de la Commission doivent encore faire l’objet d’échanges avec le Parlement européen et Conseil européen. Puis chaque État membre devrait ensuite transposer la directive au niveau national. Ce qui nous conduit jusqu’en 2026-2027.
Aujourd’hui, les entreprises oscillent soulagement et inconfort. D’une part elles apprécient l’allégement administratif mais d’autre part, elles souffrent de l’inconfort lié à l’incertitude réglementaire. Enfin, les plus engagées se trouvent discréditées par le message parasite que ce rétropédalage envoie sur la légitimité de la RSE.
Soyons clairs : cette évolution des textes ne remet en rien en cause la légitimité de vos engagements RSE. Si les textes évoluent, les enjeux restent.
Aucune entreprise ne perd en compétitivité lorsqu’elle gagne en clarté sur ses impacts, ses risques et ses opportunités financières. Alors, quand la double matérialité a mis en lumière vos sujets stratégiques, commencez sans tarder vos plans de transition.
Concrètement, qu’est-ce que cela change pour vos travaux ?
“Nous empruntons un itinéraire modifié, merci de votre compréhension.”
La majorité des entreprises avec lesquelles nous échangeons sont déterminées à poursuivre leurs engagements.
Voici nos recommandations pour votre roadmap 2025.
Double matérialité : elle reste un exercice clé qui apporte de la clarté sur votre modèle d’affaires, votre chaîne de valeur et vos risques/opportunités (IRO). Selon votre besoin de conformité, allez à l’essentiel : réduisez la lourdeur méthodologique, mais gardez la pertinence et la concertation.
Reporting : fini le reporting exhaustif des points de données ! Concentrez vous sur les informations essentielles pour que votre reporting garde sa juste place d’outil de pilotage.
Stratégie : de manière générale, la stratégie redevient prioritaire sur le reporting dès cette année ! L’enjeu est de structurer votre feuille de route et vos plans de transition, en veillant à leur légitimité stratégique aux yeux de la gouvernance.
→ Vous êtes concernés par la directive Omnibus ?
→ Vous aimeriez savoir comment capitaliser sur les travaux déjà réalisés et profiter de la simplification pour accélérer la transition de votre entreprise ?
→ Vous n’êtes pas concernés par ces réglementations mais vous souhaitez engager une transformation durable, pragmatique et stratégique ?
En bref
Voici les points essentiels à retenir du projet de la directive Omnibus
1️⃣ CSRD :
Nouveaux seuils : 80 % des entreprises ne seraient plus soumises à la directive qui exempterait les entreprises de moins de 1000 salariés.
Normes simplifiées : des normes obligatoires et volontaires allégées.
Chaîne de valeur préservée : prévention d’un reporting en cascade avec des normes allégées qui serviraient de bouclier aux PME
Audit limité : assurance limitée sans passage vers une assurance raisonnable
2️⃣ Taxonomie :
Nouveau seuil : 1000 salariés et 450M€
Simplification du reporting, et notamment des critères DNSH
3️⃣ CSDDD
Nouveau calendrier : reporté d’un, à partir de juillet 2028
Périmètre : fournisseurs de rang 1, analysés tous les 5 ans (versus tous les ans)
Plan transition climat : devient une obligation de moyens (versus une obligation de résultats)
Responsabilité : suppression de la responsabilité civile à l’échelle de l’UE mais maintien d’une garantie par les États membres d’un recours effectif à la justice pour les victimes.
Sanctions financières : suppression de la sanction financière maximale de 5 % du CA mondial de l’entreprise. La Commission est chargée d’élaborer des lignes directrices en matière d’amendes.
Une question, une remarque, un retour, ou un beau compliment ?
N'hésitez pas à nous l’envoyer en répondant à ce mail !